En arrivant ici par les sentiers tortueux et herbeux, vous croirez parvenir à un endroit tout à fait normal où la prospérité et la vie règnent en maître. Mais ce n’est pas le cas. Certes, l’herbe y est belle et abondante mais ce que les dieux ont voulu transmettre par cet endroit, ce n’est pas une atmosphère de prospérité. Ils voulaient faire en sorte que la rencontre entre eux et les équidés soit possible. En réalité, ce sont des sortes de falaises par centaines qui surplombent toutes les terres d'Horse Moon. On ne voit quasiment jamais l’étendue de territoires car une nappe de nuages recouvre bien souvent l’ensemble. Les maigres sentiers farfelus et étroits vous conduirez sur chacun de ces « toits du monde ». On se sent supérieur, au-dessus de tout et on oublie un instant qu’il existe encore un étage, tout proche : celui des dieux.

Cet endroit est d'une étrangeté sans précédents. Vous marchez sur une fine couche d'eau, si fine que vous ne faites presque pas de bruit en la touchant de vos sabots. Il fait une température aux alentours de trois degrés, quelques flocons éparses tombent. Vous les sentez furtivement, mais vous ne voyez même pas vos sabots. Le brouillard recouvre tout. Des hallucinations vous parviennent, des gens vous apparaissent, des voix vous susurrent à l'oreille. Avec un peu de chance, dans quelques minutes, le brouillard se sera espacé et les voix s'en iront. Mais dans ce cas, la fine couche d'eau sous vos sabots fera office de miroir et vous ne parviendrez pas à distinguer le haut du bas, la droite de la gauche, le vrai du faux.

Il fait un froid glacial et mordant, le vent siffle violemment lorsqu'il s'engouffre dans les crevasses qui s'étendent à vos pieds. Que vous soyez du côté gauche ou droit de ce gouffre, aucune importance. Vous ne pourrez pas traverser, à moins que... à moins que vous empruntiez le tronc géant qui relie les deux opposés. Ce tronc est là depuis au moins cinquante ans, du gel le recouvre. Si ce tronc-là ne vous inspire pas confiance, vous n'avez plus qu'à descendre dans la crevasse. Et apparemment, au fond de ce trou béant, si vous y parvenez entier, des centaines et des centaines de cadavres et d'ossements y sont entreposés.

De l'eau sale et stagnante, de la brume, des roseaux, de la vase, des crapauds, quelques alligators... Rien de bien fantastique, ce n'est qu'un marais. Mais là où l'affaire devient intéressante (ou fortement répugnante, selon le point de vue) c'est lorsque quelques trainées de sang se glissent dans l'eau à vos pieds. C'est là que le sexe déterminera la suite. Puis des pleurs, des larmes qui vous appellent. Pour ces gentes demoiselles, ces pleurs ressembleront à des cris odieux, âpres, suraigües. Il vous appartient le choix de fuir.. ou d'aller voir. Chez les mâles, il s'agit de larmes douces, sincères, presque mélodieuses. Attirés par ce genre de plaidoirie, vous y courrez même si vous ne le désirez pas. Une créature belle comme le jour, saignant dans l'eau et pleurant doucement vous apparaîtra. Telle une sirène, elle est exclusivement carnivore...